Jean-Michel Baylet, ministre de l’Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, a ouvert les Journées Nationales d’Etudes de l’ANEL le jeudi 6 octobre 2016, au Touquet-Paris-Plage.
« Monsieur le Sous-Préfet, le Président de l’ANEL, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames les conseillères régionales représentant du Président du conseil régional, Madame la vice-Présidente du conseil départemental, le Député-Maire du Touquet, Mesdames et Messieurs les Maires et les élus, Mesdames et Messieurs,
C’est avec un très grand plaisir que j’ai répondu à votre invitation, M. le Président, et que j’interviens donc en ouverture des Journées Nationales d’Etudes de l’ANEL.
Je suis venu, je vous le dis franchement, parce qu’au-delà de mes responsabilités gouvernementales, je suis un des vôtres ; ayant eu le privilège d’exercer à peu près tous les mandats locaux : maire, président de conseil général, conseiller régional et étant toujours président d’une communauté de communes et conseiller départemental. Je me sens bien parmi vous, chers collègues.
Le littoral français est, par ses paysages grandioses et ses ressources marines, un des trésors de notre pays ; de la Côte d’Opale à la Côte d’Azur – et je n’oublie évidemment ni les îles, ni les littoraux corse et outre-mer. Très attractifs, vos territoires reposent cependant sur des équilibres souvent fragiles. Il importe donc, afin de protéger ces milieux uniques, de concilier activités humaines et préservation de l’environnement et du patrimoine.
Mais si vos collectivités ont pour point commun la proximité d’une façade maritime, les territoires littoraux n’en sont pas moins d’une grande diversité et confrontés à des défis spécifiques.
Je sais vos interrogations nombreuses. Elles se posent en matière d’urbanisme, de protection des risques naturels, de développement économique, touristique ou agricole…Mais un rassemblement d’élus, fussent-ils du littoral, reste avant tout un rassemblement d’élus ; et si certaines de vos demandes ou inquiétudes sont liées à votre proximité avec la mer ou l’océan, vous en partagez d’autres avec l’ensemble des collectivités.
Et, au tout premier rang, figurent celles relatives aux finances locales, et en particulier la question des dotations. Le Président de la République a fait, vous le savez, d’importantes annonces à la tribune du Congrès des Maires, et nous les avons bien-sûr intégrées dans le projet de loi de finances 2017. Depuis 2014, les collectivités ont participé, avec succès, au redressement de nos finances publiques, puisque l’an prochain, le déficit devrait être ramené sous la barre des 3 % du PIB. Constatant l’ampleur de l’effort fourni et l’amélioration de la situation, la contribution du bloc communal sera allégée et divisée de moitié. Elle s’élèvera donc à 1 milliard d’euros, en 2017, au lieu des 2 milliards d’euros prévus initialement. Et pour que cette diminution soit plus équitablement répartie, les dotations de péréquation progresseront de 317 millions d’euros. En trois ans, cela représente près d’1 milliard d’euros de péréquation verticale supplémentaire à destination des territoires les plus fragiles.
Le PLF 2017 prévoit également des mesures d’accompagnement de la réforme territoriale, car nous avons voulu faciliter une transition souple entre les anciens et les nouveaux périmètres intercommunaux. Par exemple, lorsqu’une intercommunalité rurale fusionne avec une intercommunalité plus importante, et qu’il faut mettre en place le versement transport, nous autoriserons une transition sur douze ans. Enfin, le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, sera gelé en 2017. Il s’établit tout de même déjà à 1 milliard d’euros.
Je veux enfin, sur le sujet des finances locales, aborder la réforme de la DGF, qui reste indispensable, tout le monde en convient, car cette dotation est inéquitable et injuste. Un consensus se dégage donc sur l’impératif de la rénover pour plus de clarté, de lisibilité et de prévisibilité pour les élus. Malheureusement les divergences, voire les oppositions sur les modalités pour ce faire ont rendu le report inéluctable. Soyez assuré que je le regrette, mais après avoir rencontré toutes les associations d’élus et le CFL j’ai dû me résoudre à cette décision. Et ce d’autant plus que, comme le Président de la République l’a indiqué, cette réforme fera l’objet d’un texte spécifique, intégré dans le projet de loi de financement des collectivités, qui verra le jour en 2018, en complément du PLF et du PLFSS. C’était une demande forte remontée des associations d’élus et du CFL.
Parmi les dispositions du budget 2017 figure également la reconduction du Fonds de soutien à l’investissement local, qui sera porté à 1,2 milliard d’euros, et dont la gestion est assurée par mon ministère. Une première enveloppe de 600 millions d’euros sera destinée aux grandes priorités concernant la rénovation thermique, la transition énergétique, la mise aux normes des équipements publics, l’accessibilité ou la mobilité. Une seconde fraction de 600 millions d’euros sera consacrée exclusivement à la ruralité. Instauré en 2016, ce fonds a permis de porter près de 3.000 projets et nous avons déjà engagé 85% de son montant. Dans le seul département du Pas-de-Calais, près de 20 millions d’euros ont été attribués, en 2016. La DETR sera, quant à elle, portée à 1 milliard d’euros, soit une augmentation de 62% en trois ans. Cela signifie des moyens supplémentaires au service du développement des territoires. Et toujours dans le Pas-de-Calais, le montant des aides attribuées au titre de la DETR s’élève, en 2016, à près de 14 millions d’euros.
Par ailleurs, le Président de la République a lancé le grand chantier de réforme du fonds de compensation de la TVA ; c’était aussi une demande forte de tous les élus.
Je veux enfin dire un mot des 3 comités interministériels aux ruralités qui se sont réunis en 14 mois. Je ne reviendrai pas sur le détail des 104 mesures prises, mais seulement sur une innovation majeure : les Contrats de ruralité. Conçus pour être les pendants des contrats de ville, ils seront conclus entre l’Etat et les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux (PETR) ou les intercommunalités ; et 216 millions d’euros leurs seront consacrés en 2017. Les espaces littoraux ruraux, pourront bien entendu en bénéficier. Ils seront, comme le FSIL et la DETR, déconcentrés auprès des préfets ; et je leur ai déjà signifié les enveloppes par région.
Mais au-delà de ces dispositifs généraux, le gouvernement a mis en œuvre des mesures particulières à destination de nos régions côtières.
A ce titre, je veux mentionner les enjeux relatifs à l’aménagement et à l’urbanisme, dont je sais qu’ils vous préoccupent fortement, et je pense tout d’abord à l’évolution des PLU. La lutte contre l’étalement urbain et la consommation excessive d’espaces agricoles et naturels constitue une priorité. L’outil du PLU intercommunal permet d’y répondre et d’élaborer un projet global, à la bonne échelle. A cet égard, la complexité réglementaire propre au littoral renforce, plus encore, la pertinence de ce niveau.
J’ai cependant conscience que le passage du PLU au PLUi représente une révolution pour les élus locaux. Et cela d’autant que nous achevons la refonte de la carte intercommunale. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité introduire plus de facilité. Dans le projet de loi Egalité et Citoyenneté, en cours d’examen au Parlement, un article prévoit une dérogation au droit commun. Elle concerne les communes appartenant à un EPCI non dotée d’un PLUi, qui fusionnent avec une autre intercommunalité qui en est pourvue. Dans ce cas, ces communes ne seront plus obligées de passer immédiatement en PLUi, mais pourront pendant une période transitoire de 5 ans maximum, continuer à exercer cette compétence.
Toujours en matière d’urbanisme, j’entends aussi aborder la délicate question de la délimitation des très nombreux secteurs de taille et de capacités d’accueil limitées. Ces fameux STECAL ont créé des droits à construire qui ne peuvent, aujourd’hui, être reconduits dans le cadre de la révision des PLU. Leur caractère exceptionnel a ainsi mis en exergue les problématiques liées à l’évolution du bâti existant en zones A et N. De nombreux élus du littoral – je pense notamment aux élus morbihannais – s’en étaient émus, autour de l’urbanisation des « dents creuses » dans les hameaux. Le principe d’inconstructibilité dans ces zones constitue un fondement dans les documents d’urbanisme. Il n’exclut cependant pas la possibilité d’implanter des bâtiments et des installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics existants, sur des parcelles mitoyennes. Les STECAL sont donc une possibilité supplémentaire laissée à la libre appréciation des élus, mais ils doivent bien-sûr conserver un caractère exceptionnel, c’est-à-dire ne pas conduire à banaliser l’urbanisation de ces zones ni à favoriser le « mitage ».
Concernant plus spécifiquement les hameaux situés dans les communes littorales, cette question a été abordée récemment, par le réseau Littoral et Urbanisme, installé il y a près d’un an par ma prédécesseure, Sylvia Pinel. Lors de cette réunion, les modalités d’identification des différentes formes urbaines dans les PLU ont été précisées, dans le respect des dispositions de la loi et de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Une fiche technique sera prochainement diffusée afin d’aider les collectivités à gérer les espaces construits mais éloignés des villages. Enfin, faisant suite à la réforme du règlement du PLU, un guide d’écriture est en cours de rédaction. Il permettra de clarifier les conditions dans lesquelles la constructibilité des zones A et N peut être envisagée et proposera une utilisation adaptée des outils en fonction de leur environnement.
Vous allez également évoquer, dans une table ronde, la compétence GEMAPI qui sera obligatoirement confiée aux EPCI, à compter du 1er janvier 2018. A ce sujet, il faut rappeler la volonté du législateur : donner à une même autorité la responsabilité de l’occupation des sols et des mesures de prévention ou de protection contre les inondations. Cela constitue un indiscutable progrès par rapport à la situation actuelle dans laquelle prévention des inondations, gestion des milieux aquatiques et urbanisme sont du ressort d’autorités distinctes. Ce qui n’était pas très cohérent, reconnaissons-le. Je comprends bien que la crainte d’une mise en cause inquiète certains élus. Mais il faut être clair : l’attribution de la compétence GEMAPI aux EPCI n’a ni pour objet ni pour effet de créer une nouvelle source de responsabilité pour les élus locaux. La responsabilité administrative ou pénale des maires peut, en effet, déjà être engagée dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir de police.
Avec la GEMAPI, les EPCI disposeront de meilleurs leviers, en gérant directement les ouvrages de protection et en bénéficiant d’une nouvelle ressource fiscale. Cependant, il est juste et normal que les contribuables locaux participent au financement de cette politique tout en maintenant, à travers les interventions des agences de l’eau ou du fonds « Barnier », des moyens suffisants au titre de la solidarité nationale. Le report, au 1er janvier 2018, de la prise obligatoire de cette compétence par les EPCI doit donc vous permettre de vous préparer au mieux ; et des missions d’appui ont été mises en place au niveau des bassins pour accompagner les intercommunalités.
Je vous sais également très attentifs à une démarche qui vous concerne tout particulièrement, celle du transfert des ports départementaux. Nous sommes actuellement en période de négociation puisqu’ils doivent être transférés au 1er janvier 2017. Je vous sais partagés sur la question du bon échelon pour les porter, sachant que les ambitions des intercommunalités et des conseils régionaux varient d’une région à une autre. La discussion doit cependant permettre de prendre les options les plus raisonnables et ce sujet doit être dépassionné car le transfert devrait concerner peu de cas, au final.
J’entends également évoquer la Stratégie Nationale pour la Mer et le Littoral. J’ai relevé qu’elle sera à l’ordre du jour de vos travaux, demain, en présence de la Déléguée à la mer et au littoral, Catherine Chabaud. Cette stratégie constituera la feuille de route de l’Etat pour les années à venir. La consultation des acteurs vient de s’achever. Je sais que vous y avez contribué et que vous la souhaiteriez plus ambitieuse encore. Sachez qu’une nouvelle version du projet doit tenir compte de la synthèse des observations et des avis des conseils maritimes de façade et ultramarins. Le travail continue donc en perspective du Comité interministériel à la Mer (CIMER), qui doit se tenir début novembre.
La thématique portuaire sera évidemment aussi au cœur du CIMER, suite aux missions menées par les parlementaires désignés par le Premier Ministre. Pour la façade maritime Nord, René Vandierendonck et Jérôme Bignon ont ainsi formulé une vingtaine de propositions pour renforcer l’attractivité et la compétitivité des ports de la région. Le CIMER permettra en outre d’aborder les sujets de préoccupation des résidents et estivants de vos communes, tels que l’avenir de la Société nationale des sauveteurs en mer, ou les questions de sûreté.
Je sais enfin que, sur les bases de la loi pour l’économie bleue, de juin 2016 – pour laquelle votre association a été source d’inspiration – des développements sont encore à envisager, non seulement sur la nouvelle répartition des compétences entre collectivités, mais également en matière d’économie et d’innovation. Je serai attentif à ce que le prochain programme d’investissements d’avenir puisse permettre à ce formidable potentiel de s’exprimer.
Je souhaite évoquer enfin les projets du gouvernement en matière de tourisme. La mer est une source de loisirs, et à ce titre une ressource importante pour l’économie de vos communes. L’industrie du tourisme représente 6,5 % du PIB français. Un comité interministériel dédié se réunira, dans les prochaines semaines. Dans le contexte actuel, il s’agit de conforter la place de la France comme première destination touristique mondiale. Cela passe notamment par le développement du tourisme maritime et littoral, respectueux de l’espace côtier. Cela passe également par des mesures spécifiques en faveur de l’économie de la croisière, de la plaisance et des loisirs nautiques. Ces secteurs constituent autant de perspectives d’avenir. Je pourrais citer, en guise d’exemple, la mission Littoral 21 qui est en cours de lancement dans la région Occitanie. Plus près de nous, je sais qu’entre la baie de Somme et le Parc naturel des Caps et marais d’Opale, vous n’avez pas attendu pour promouvoir un « tourisme nature » axé sur la découverte de l’écosystème.
J’en viens, en guise de conclusion, à la question du transfert automatique, à l’échelon intercommunal, de la compétence relative à la promotion du tourisme, y compris la création d’office du tourisme. Certains élus, notamment au sein de l’ANEL, avaient critiqué cette disposition prévue dans la loi NOTRe. J’ai donc inclus dans le projet de loi sur la montagne, que je défends actuellement devant le Parlement, la possibilité d’une dérogation de portée générale au transfert de cette compétence.
En conséquence, les communes classées comme stations de tourisme ou qui auront engagé une démarche de classement pourront, sur délibération de leur conseil municipal, avant le 1er janvier prochain, conserver cette compétence. Je tiens néanmoins à préciser que les communes qui verront leur demande de classement rejetée re-basculeront dans le droit commun. Cela concerne évidemment les stations de ski, mais aussi, les grandes stations balnéaires ou thermales. Et c’est notamment le cas du Touquet-Paris-Plage.
Monsieur le Président, alors que j’étais auditionné, en juillet dernier, par la commission du développement durable du Sénat, vous m’aviez dit : « en tant que président de l’ANEL, j’aimerais que les élus du littoral soient entendus comme ceux de la montagne ». Aujourd’hui, comme vous pouvez le constater, Monsieur le Président, je vous ai entendu ! »